Au bon roman

Nous voulons des livres nécessaires, des livres qu'on puisse lire le lendemain d'un enterrement, quand on n'a plus de larmes tant on a pleuré, qu'on ne tient plus debout, calciné que l'on est par la souffrane; des livres qui soient là comme des proches quand on a rangé la chambre de l'enfant mort, recopié ses notes intimes pour les avoir toujours sur soi, respiré mille fois ses habits dans la penderie, et que l'on n'a plus rien à faire; des livres pour les nuits où, malgré l'épuisement, on ne peut pas dormir, et où l'on voudrait simplement s'arracher à des visions obsessionelles; des livres qui fassent le poids et qu'on ne lâche pas quand on n'en finit pas d'entendre le policier dire doucement: Vous ne reverrez pas votre fille vivante; quand on n'en peut plus de se voir cherchant le petit Jean follement dans toute la maison, puis follement dans le jardin, quand quinze fois par nuit on le découvre dans le petit bassin, à plat ventre dans trente centimètres d'eau; des livres qu'on peut apporter à cette amie dont le fils s'est pendu, dans sa chambre, il y a deux mois qui semblent une heure; à ce frère que la maladie rend méconnaissable.
      Chaque jour Adrien s'ouvre les veines, Maria se saoule, Anand est renversé par un camion, une Tchétchène (Turkmène, Four) de douze ans est violée. Chaque jour Véronique essuie les yeux d'un condamné, une vieille femme tient la main d'un mourant affreusement défiguré, un homme recueille un petit enfant hébété parmi les cadavres.
     Nous n'avons que faire des livres insignifiants, des livres creux, des livres faits pour plaire.
     Nous ne voulons pas de ces livres bâclés, écrits à la va-vite, finissez-moi ça pour juillet, en septembre je vous le lance comme il faut et on en vend cent mille, c'est plié.
     Nous voulons des livres écrits pour nous qui doutons de tout, qui pleurons pour un rien, qui sursautons au moindre bruit derrière nous.
     Nous voulons des livres qui aient coûté beaucoup à leur auteur, des livres où se soient déposés ses années de travail, son mal au dos, ses pannes, son affolement quelquefois à l'idée de se perdre, son découragement, son courage, son angoisse, son opiniâtreté, le risque qu'il a pris de rater.
     Nous voulons des livres splendides qui nous plongent dans la splendeur du réel et qui nous y tiennent; des livres qui nous prouvent que l'amour est à l'œuvre dans le monde à côté du mal, tout contre, parfois indistinctement, et le sera toujours comme toujours la souffrance déchirera les cœurs. Nous voulons des romans bons.
     Nous volouns des livres qui n'éludent rien du tragique humain, rien des merveilles quotidiennes, des livres qui nous fassent revenir l'air dans les poumons.
     Et quand il n'y en aura qu'un par décennie, quand il ne paraîtrait qu'un Vies minuscules tous les dix ans, cela nous suffirait. Nous ne voulons rien d'autre.
Ganska fint sagt, även om jag inte håller med helt och fullt. Dessutom utgör det en fantastiskt intressant liten konflikt.

Au bon roman handlar nämligen om två ensamma och var och en på sitt sätt bekymrade individer som tillsammans bestämmer sig för att starta en bokhandel där det endast ska säljas bra litteratur. En kommitté tillsätts för att välja ut dessa böcker och när bokhandeln gör succé väcks genast en våg av kritik mot detta urval, mot dessa personer som säger sig veta vad som är bra litteratur och vad som inte är det.

Det roliga är alltså att om denna fantastiska bokhandel, som alltså heter Au bon roman, fanns i verkligheten, skulle den aldrig någonsin ta in en bok som Au bon roman. Den är inget mästerverk, den är ren underhållningslitteratur. Och hur jag ska få detta att gå ihop i mitt huvud, det vet jag inte. Hur tänkte du nu, Laurence Cossé?

Om man nu inte bryr sig om hur boken ska klassificeras så kan man nöja sig med att konstatera att den är ganska mysig, lite spännande, lite pretentiös, ganska fånig och med en tendens att bli något sämre efter hand.

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